dans-mes-cheveux 1Les femmes ont tenu un rôle important dans les révoltes des « printemps arabes ». Dans « Si je te garde dans mes cheveux », Jacqueline Caux a ainsi choisi de se concentrer sur les femmes indociles à la musique arabe. Ces artistes éprises de liberté se rebellent contre les diktats érigés par une religion peu encline à les aider dans leur désir d’affirmation et font preuve de courage, de volonté et de résistance pour faire triompher leur parole, leur art et leur féminité.

Après « Les couleurs du prisme, la mécanique du temps documentaire sur la musique électronique, Anna April Out of boundaries » sur la chorégraphe Anna Halprin, « The cycle of thé mental Machine » sur la musique électro de Détroit, Jacqueline Caux revient présenté au Grand Lux de Saint Étienne le 31 mai son dernier film documentaire « Si je te garde dans mes cheveux ».

Le titre de ce film est une allusion directe à ce tabou qu’est dans les pays arabes la chevelure des femmes – qui devrait être cachée -, alors que toutes les musiciennes qui ont participé à ce film refusent de porter le voile. Si ce titre est une allusion à l’érotique du cheveu. Il est aussi « un hommage indirect au poète syrien du XIIe siècle Ibn Arabî qui n’a eu de cesse que de chanter la beauté féminine ». Ce film, de fait, est un manifeste en présentant l’histoire de plusieurs femmes arabes rebelles, chanteuses, musiciennes et compositrices, issues du Maghreb comme du Machreq.

Pour Jacqueline Caux :  » En contradiction assumée avec le contexte de défiance actuelle vis-à-vis de ces cultures, ce film souhaite montrer la force d’affirmation de ces femmes qui se battent avec détermination pour imposer leur talent, leur art, leur engagement social, ainsi que leur féminité sans voile. Il ambitionne également de montrer comment leur force créatrice s’appuie sur de nouvelles attitudes mais aussi sur la puissance et la beauté de poétiques très anciennes, qui rendent compte de l’extrême diversité de ces mondes que l’on a trop souvent tendance à amalgamer en un unique univers menaçant.

Ce film a aussi une dimension politique directe puisqu’il est tourné avec des musiciennes originaires de plusieurs pays actuellement en grand déséquilibres : la Tunisie, la Syrie, la Palestine. Ces contextes violents dans lesquels elles vivent, ou qu’elles ont dû fuir, ont évidemment un impact considérable sur leur art. Si j’ai souhaité réaliser ce documentaire de création, c’est parce que je ne peux pas m’empêcher de réagir vivement aux discours médiatiques qui nous submergent actuellement. Il m’a en effet semblé urgent et nécessaire de parler autrement de ces femmes arabes, dispensatrices de richesses, d’intelligence, de sensibilité et de délicatesse qui, s’appuyant sur des cultures musicales et poétiques ancestrales, revendiquent avec une grande combativité leur liberté d’artistes et de femmes dans des contextes politiques particulièrement perturbes.
Mais aussi parce que, force est de constater qu’en occident, en règle générale, on ne fait pas trop de bruit autour des musiques arabes, exception faite peut-être du Rai. Peu de programmes sur les radios ou les TV nationales, peu d’articles dans les plus grands journaux, y compris ceux qui sont centrés sur la musique.
Avec ce film, je souhaite aussi donner à voir l’extrême diversité des cultures arabes. Alors même que l’on parle de plus en plus souvent d’un ensemble Musulman ou Arabe fantasmatique, amalgamant en des raccourcis violents toute la complexité de ces mondes et même de ces religions, je souhaite, par le choix volontairement éclectique – et je dirais même extrême – que j’ai fait de ces quatre femmes musiciennes et compositrices, aider à la mise en question de ces a priori. »

dans-mes-cheveux 3Hommage bien sur à Oum Kalthoum grâce à une archive vidéo nous permet de montrer toute la force et la beauté de l’art d’Oum Kalthoum, art unique, capable d’émouvoir les amateurs les plus populaires comme les plus esthètes. Cette archive « Hayarti Elbi Maak / Tu as troublé mon cœur », qui date de 1961, est en maqam nahwand.
Elle poursuit : « Ce film documentaire retrace le parcours de quatre femmes musiciennes talentueuses – âgées de trente à cinquante-huit ans – qui se sont imposées dans le champ des musiques arabes, en ayant bravé de nombreux interdits et de nombreux tabous. Leur talent, associé à leur indocilité, ainsi que leur extrême diversité, caux-warda_djazaira.jpg sont les critères qui ont guidé le choix de celles qui figurent dans ce film. Pour cela, je me suis rendue dans plusieurs pays arabes : Tunisie, Maroc, Palestine, mais aussi à Nanterre, pour y retrouver une musicienne et chanteuse syrienne qui a du se réfugier en France, compte tenu du contexte actuel de guerre qui sévit dans son pays. L’Égypte est représentée par une archive d’Oum Kalthoum et l’Algérie par le générique de fin du film, qui est un hommage à Warda El Djazairia, décédée il y a peu, et que je devais – compte tenu des difficultés qu’elle a dû affronter pour pouvoir chanter – retrouver pour ce film »

Kamilya Jubran musicienne, qui chante, joue du oud et du kanoun, est née en Galilée en 1963. Elle s’est donc retrouvée arabe en territoire Israélien (…) mais de cœur et de culture palestinienne, ce qui n’a pas manqué de poser très vite de gros problèmes. Aussi a-t-elle choisi il y a quelques années, afin de survivre psychiquement, le déchirement de l’exil. Arrivée à Berne, elle écoute d’autres musiques dont les musiques électroniques (…). Depuis, elle s’est engagée dans une musique qui propose une dimension expérimentale tout en gardant une forte identité arabe.
(Extrait de la présentation du film de Jacqueline Caux dans le journal Avatarium que vous pouvez lire en PDF, l’article entier).

 

KAMILYA JUBRAN – Concert (chant, oud) / 19h au Grand Lux de Saint Étienne le 31 mai
SI JE TE GARDE DANS MES CHEVEUX… Documentaire de Jacqueline Caux • 20h30 au Grand Lux de Saint Étienne le 31 mai
70 min / 2013 / Image : C. Garnier et P. Ghiringhelli / Son : P. Welsh / Montage : D. Soltani / Étalonnage : R. Pierrat / Mixage son : J.M. Zick / La Huit Production.
Avec : Hadda ou Akki (Maroc) / Amina Srarfi (Tunisie) / Oum Kalsoum (Egypte) / Waed Bouhassoun (Syrie) / Kamilya Jubran ( Palestine).