Une nuit à Venise, de Johann Strauss, à l’Opéra de Lyon du 14 décembre 2016 au 1er janvier 2017

 

Pendant les fêtes de fin d’année, l’Opéra de Lyon évite judicieusement les œuvres trop cérébrales pour privilégier la légèreté. Mais avec cette Nuit à Venise, ce n’est plus de la légèreté, c’est de l’évanescence. L’an passé, le joyeux délire du Roi carotte autorisait de plaisantes audaces et, pris au soixante-quatorzième degré, permettait de passer un excellent moment. Ici, les faiblesses criantes de l’œuvre empêchent toute réception distanciée.

rsz_operaunenuitavenise63_copyrightstofleth

Faiblesses du livret, tout d’abord. La petite histoire raconte que Johann Strauss s’est mordu les doigts quand il a découvert l’intrigue indigente sur laquelle il s’était imprudemment engagé à déposer sa musique. Le récit accumule les poncifs — sur les Italiens (et surtout les Italiennes) tels que vus d’Autriche, sur les femmes inexorablement volages, sur les vieux barbons jaloux, sur les hommes politiques serviles, etc. — tout en recourant aux grosses ficelles du vaudeville. Le sénateur Delacqua (Piotr Micinski) craint que le Duc (Lothar Odinius), implacable Don Juan, ne séduise son épouse Barbara, c’est pourquoi il décide de l’éloigner à Murano et de lui substituer sa domestique Ciboletta (Jasmina Sakr). La vraie Barbara (Caroline MacPhie) a de son côté prévu de passer la nuit avec son neveu Enrico (Bonko Karadjov) et se fait remplacer par Annina (Evelin Novak), la fiancée du barbier du Duc, Caramello (Matthias Klink). Le Duc — qui se retrouve donc avec deux fausses Barbara, Ciboletta et Annina — ressemble à un coq dans sa basse-cour, raison peut-être pour laquelle les personnages féminins ne cessent de glousser. Plus gênant encore, la servilité est récompensée dans la scène finale : Ciboletta obtient le poste de cuisinier du Duc pour son fiancé Pappacoda et Caramello celui d’intendant.

rsz_operaunenuitavenise36Faiblesses de la structure de l’œuvre, ensuite. Celle-ci est basée sur des alternances de longues parties parlées et d’airs parfois plaisants mais trop espacés les uns des autres pour produire une cohérence musicale. Et comme l’intrigue n’est certes pas en mesure de passionner le spectateur, on s’ennuie lorsque les artistes se font comédiens plutôt que chanteurs.

Ceux-ci, reconnaissons-le, tentent courageusement de se mettre au service de la pièce, aidés par la direction de Daniele Rustioni et la mise en scène de Peter Langdal qui recèle quelques bonnes idées, notamment lorsqu’il fait se déplacer les comédiens parmi les spectateurs. À relever aussi, cette fois encore, la prestation dynamique des chœurs de l’Opéra, dirigés par Philip White, et de belles mais trop rares scènes chorégraphiées (par Peter Friis). Le décor acidulé d’Ashley Martin-Davis et surtout les costumes flashy de Karin Betz sont particulièrement réjouissants — certes le thème du carnaval appelait-il une telle audace mais elle contraste significativement avec la pauvreté de l’intrigue.

Carmen S.

© Stofleth