Carnet de routes qui ne mènent nulle part

Chroniques d’aventures indélicates sur les routes nord-américaines. Entre le blues du Delta et la baie de Monterrey. Entre les émeutes de South Central et la Vallée de la Mort. Entre les plages de Miami et les terrains vagues de Motor City. Entre les lignes. Entre fiction et réalité. Entre hier et aujourd’hui. Entre balade autobiographique et essai option métaphorique.

Un carnet de routes à parution et destination aléatoires. 

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5. Katrina & the Waves

Cela faisait déjà plusieurs heures que nous conduisions l’esprit hagard dans une obscurité graduellement envahissante, depuis que nous avions quitté la belle Apalachicola et ses maisons sur pilotis, pour rejoindre la voie transcontinentale n° 10 via Panama City. Quitté celle que les tribus amérindiennes avaient baptisé « le pays au-delà », avec vaguement comme objectif d’arriver au petit matin les reins démontés et la langue pendue à New Orleans, afin de pouvoir s’échouer dans un motel minable à 20 dollars la chambre. Mais avant de penser à procrastiner sérieusement sous un ventilateur en version Voodoo Style, il était question de traverser rapidement les États d’Alabama et du Mississippi, dans leurs parties les plus exiguës et septentrionales. « Rapidement », c’est dire sans avoir nécessairement l’intention de s’y arrêter pour les vacances. Même pas en rêve. Des contrées présumées inhospitalières, qui nous renvoyaient directement à l’image de l’autobus de Rosa Parks, ainsi qu’à une chansonnette faussement naïve, et néanmoins marque de fabrique des frangins Ramones : The KKK tooks my Baby Away. Ainsi avions-nous décidé de tracer la route. Loin de ces pâles fantômes du Deep South, qui cultivaient la haine de l’étranger en général et de l’homme noir en particulier, tout en camouflant leurs visages rougeauds derrière de ridicules redingotes à chapeaux pointus. Salut, et tant pis pour les a priori. Autant tracer cette « putain » de route. Les fenêtres de la Oldsmobile grandes ouvertes sur l’odeur vivifiante de la campagne endormie. Et sur la fraîcheur libertaire d’un soir sans coyote. Tracer, sans se retourner, mais non sans inhaler furtivement cette saveur inédite du vent que l’on a dans le dos. « Tracer notre route », avec la sensation crépusculaire d’en appréhender enfin la formule magique, autrefois jalousement gardée par quelques clodos célestes, qui avaient dû sévèrement bourlinguer avant même que nous arrivions au monde. Tracer et parfois s’arrêter. Sans jamais vraiment savoir où et sans aucun plan de carrière. Sic. Histoire de se dégourdir les jambes, régénérer notre reliquat de neurones et boire un « jus de café » ; le plus souvent dégueulasse mais servi gracieusement. Ou presque. Une halte généralement salvatrice au niveau des adducteurs, nous permettant surtout de visualiser de l’autochtone en situation. Dans l’une de ces stations services surdimensionnées – Texaco & co – qui illuminent les baroudeurs de la nuit américaine. Et qui photographient des tranches de vie salement décrépites, néanmoins enserrées dans un mouvement perpétuel. Quant aux stations radiophoniques qui envahissaient les ondes ; elles nous servaient déjà de boussole, seulement deux jours après avoir pris la tangente des plages de l’est Floridien. Un autoradio en guise de GPS. Et c’est effectivement de cette manière que nous nous sommes engouffrés dans la traversée en bagnole des États-Unis. L’œil du copilote rivé sur les cartes et le cerveau du pilote couplé aux fréquences. Avec quelques variations de direction hasardeuses, au gré des sonorités qui meublaient notre intérieur. Heckel & Geckel. À la dérive. Sur la grand’ route, exactement.

C’est un immense panneau vert quasiment incandescent qui nous a extirpé de nos rêveries saturées de Beat Generation, et qui nous a prévenu que nous allions traverser la lointaine banlieue de Mobile, Alabama. Tout à coup, le sombre a fait place à la lumière. Ou plutôt à une armada de lumières. Des milliers de néons orange et jaune fluo qui quadrillaient totalement le panorama et ce, pendant des kilomètres. Le type d’hallucination que vous êtes susceptible d’éprouver la nuit, en longeant pour la première fois la raffinerie de Feyzin sur l’autoroute au sud de Lyon. Si ce n’est que la raffinerie de Mobile, elle, confinait à la démesure, tel un monstre Godzillien scintillant de dix minutes de long. C’est exactement à ce moment-là que le M.C chargé d’égayer les soirées sur la station locale 92 ZEW, a décidé de « jouer » Une nuit sur le Mont Chauve de Modeste Moussorgski. Et je crois bien que dans la foulée, le temps s’est instantanément figé. Le temps et nous avec. Pause. Soudainement scotchés face à un écran de jeu vidéo qui englobait le paysage à 360°. Celui d’un périphérique irradiant, comme on les construit aujourd’hui aux confins de la galaxie. Celui plus vraisemblable d’un parfait delirium audio-visuel, que nous étions manifestement les seuls paumés de la route, à capter accidentellement cette nuit-là. J’admets néanmoins que sur le coup, je n’ai pas fait attention à David Vincent qui rodait forcément dans les parages. Mais je suppose que nous étions alors comme débranchés de nous-mêmes, interdits de paroles et de raisonnement, l’espace temps d’une cavalcade. Ce n’est qu’à la fin de cette pseudo chevauchée fantastique que nous avons pu récupérer nos esprits et reprendre le fil de la conversation. Revenir à une réalité plus terre à terre, la main plongée dans la glacière. Abandonnés dans nos fauteuils en cuir défraîchi et persuadés d’avoir assisté au tournage d’un mirage en direct live. Bonjour les méandres de l’inconscient. Adieu David Vincent. En supposant d’ores et déjà que ce premier épisode intercontinental en mode déconnexion spontanée, nous poursuivrait toute la vie. Bingo.

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Oui parce qu’il faut bien se l’avouer, on a rarement l’occasion de débrancher tous les jours. Ni même toutes les destinées. Spécialement quand il s’agit de disjoncter par le biais d’événements qui surviennent à l’improviste. Et voilà pourtant que cet imbroglio d’état d’âme aléatoire me fait remonter quelques souvenirs enfouis sous des couches de mémoire crasse. Cet effet bouche bée, cerveau à l’arrêt et rupture précipitée de la chronologie des choses. Carré blanc sur fond blanc. Gentil coma pour tête de pioche. Le trop-plein « sidérant » qui vient vous fouetter inopinément la devanture. Oui cela arrive de temps à autre. Et cela nous arrivait parfois, justement avec Kanardo, compagnon de route émérite depuis l’homologation de la 103 SP. Notamment quand adolescents, nous croisions opportunément le chemin d’une « Apparition ». Je vous rassure de suite : rien à voir avec les divagations des débiles fondus à l’eau de Lourdes. Ni avec l’imagerie moitié bigote moitié putassière de toute l’histoire de la Chrétienté. Une « apparition » donc. C’est-à-dire, dans notre vieux jargon d’apprentis punks boutonneux : une fille. Le « genre » de fille démesurément belle, et surtout trop belle pour nous, mais néanmoins affublé d’un large sourire et d’authentiques yeux en amandes. Qui flinguent tout ce qui bouge. Comme à la vogue aux marrons. Et qui dépècent brutalement la routine, sans aucun effort apparent. Ainsi, lorsque l’apparition entrait en scène, peu importe où et comment ; le temps et la discussion effectivement stoppaient net. Le moment choisi pour se prendre les pieds dans le tapis. Option évanouissement subliminal. Ou comment perdre l’instinct de survie en deux temps trois mouvements. L’usage des sens évaporé au hasard des rencontres. Carré blanc sur visage pourpre. V2 sur mes souvenirs. Au point de ne plus se rappeler ensuite ce que nous étions en train de faire ou de dire, ni même où nous allions. La fête des yeux comme seul souvenir. Et bien heureusement, ce type de mésaventure cosmique se conjugue encore au présent. Éventuellement à l’avenir. C’est du moins tout le mal que je nous souhaite. Débrancher.

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En attendant ces lendemains qui chantent à tue-tête, nous avons longé hier le Golfe du Mexique au nord ouest de la Floride et là encore, nos yeux ont pu flirter avec le magnifique. En imprimant des paysages qui ont dû enivrer des générations de Creeks, originaires de ce « pays au-delà ». Un cadre déclinant à l’infini toutes les nuances de vert et de bleu, pour accoucher de tableaux dont la beauté naturelle ne saurait être capturée par aucune carte postale. Ni même aucun poème. Compilant une multitude de maisons colorées, surplombant l’océan au bord de corniches escarpées. Nichant à l’ombre de cyprès géants, face à des immensités de sable blanc. Du jamais vu nous concernant. Le décor sublimé de Moon over Marin, la chanson des Dead Kennedy’s. Mais un décor qui sera deux décennies plus tard – en 2010 – et comme dans la chanson, totalement souillé pour ne pas dire assassiné, suite à l’explosion d’une gigantesque plate-forme pétrolière de la British Petroleum, générant la plus grande marée noire de l’histoire de l’humanité. Largement de quoi être dépité pour le restant de vos jours, que vous soyez amer indien ou pas. J’avoue pourtant ne jamais avoir franchement eu la fibre écologiste, considérant qu’il est peut-être préférable de commencer par s’occuper des gens qui crèvent la dalle sur le pavé, avant de songer à s’intéresser à la faune et à la flore. Il n’empêche qu’en la circonstance, j’ai eu envie d’être vulgaire pour ne pas dire agressif. De téléguider la chute d’une comète mastodonte sur l’assemblée générale des actionnaires de BP. Mais je vais plutôt essayer de prendre un autre biais pour décrire l’état dans lequel je me retrouve aujourd’hui, face à cette catastrophe pas naturelle du tout. Bizarrement, ça me rappelle une visite que j’avais faite à la National Gallery de Londres. J’étais alors tombé en admiration devant un gigantesque fresque peinte au 17e siècle et représentant une bataille navale. Tombé à tel point qu’en regardant de plus près les différentes strates de peinture à l’huile qui reproduisaient l’ondulation des vagues, j’avais eu carrément l’impression d’exhaler in situ la force du vent. Et d’entendre le bruit des canons, au beau milieu d’une mer violemment démontée. Disons « physiquement subjugué » pour résumer la sensation. Mais pour revenir à cette explication détournée et à l’effet que m’a procuré cette satanée marée noire : c’est comme si un agité du bocal était brusquement venu taillader l’œuvre à coup de cutter devant moi. Sauf que nous sommes tous un peu forcenés de l’intérieur, et surtout responsables du massacre organisé de la planète. Qui tourne définitivement à l’envers. Et notoirement sans que les générations futures aient leur mot à dire. La honte pour nous, avec un grand H. Sale temps pour les esthètes. Armagideon Times.

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Sans trop vouloir s’appesantir sur les questions environnementales, il y a néanmoins quelque chose qui frappe d’emblée quand prenez la route aux USA : à chaque début de chemin, orée du bois ou point de vue imprenable sur la pampa, de nombreux panneaux sont là – Don’t even think to Litter – pour vous rappeler qu’il est strictement interdit de jeter quoi que ce soit au sol, et donc de polluer grossièrement la fête des yeux. Sachant que les contrevenants sont souvent et sévèrement verbalisés. On peut bien sûr préférer à la répression, la sensibilisation et la responsabilisation de cette armada d’abrutis qui balancent tout et n’importe quoi par la fenêtre de leur voiture. Mais puisqu’il s’agit clairement d’un sport national et particulièrement en France où la cause est perdue depuis l’avènement de l’automobile, je crois bien qu’en l’espèce je préfère l’intransigeante méthode américaine. Fin de la parenthèse et retour rapide à Cocoa que nous avons quitté il y a deux jours. Ce n’est évidemment pas sans regret que nous avons laissé derrière nous la grande maison en bois des surfeurs d’argent. Mais il était venu le temps de partir pour ne jamais revenir. Et d’endurer un haut le cœur débordant du thorax, quand Karen Jane nous a servi son « good bye & good luck ». Je la retrouverai en France quelques dix ans plus tard, non sans qu’elle ait entre-temps, fait tous les métiers du monde sous toutes les latitudes, et notamment entre les Îles Caïman et Boston, Massachusetts. Elle a toujours aujourd’hui son coté « pile électrique », si ce n’est qu’elle sait dorénavant comment le canaliser, et par exemple en jouant du punk rock dans un groupe de femmes forcément farouches (F.F.F) et déterminées. The Wild Mussels. Tout un programme.

Le notre est désormais de rejoindre le Pacifique à Venice Beach en partant de l’Atlantique à Cocoa Beach, sans aucune autre règle que prendre son temps et le plus de « déviations » possible. De coincer ici ou là, suivant le goût du jour et les courbes de la route ; selon le ronronnement des villes, le chant des sirènes électriques, l’antichambre des pubs et l’architecture des rencontres. Nous sommes début novembre et il fait toujours épouvantablement chaud dans le sud des États-Unis. La tête coincée entre la vitre et le pare-soleil, Kanardo ouvre paresseusement un œil et nous voilà en Louisiane. Bientôt New Orleans et bientôt les fanfares qui peuplent notre imaginaire depuis le tout premier mardi gras. « La Nouvelle Orléans », en franco – cajun dans le texte ; un bled à bouis-bouis pirates comme s’il en pleuvait, où l’on s’essayera finalement à toutes les langues sauf au français… Puisqu’il est indéniable qu’en la matière, nos notions de vieux françois – comme on le parle ici-bas – ont été balayées par trois cent ans d’argot, d’anglicismes et de verlan enchevêtrés. Alors autant s’exprimer directement dans la langue du machiavélique Henry Kissinger, bien qu’il nous soit encore difficile de maîtriser parfaitement une conversation mixant allégrement diplomatie et géostratégie. Le fait est cependant qu’après trois semaines d’immersion non-stop dans des concerts rentre-dedans et des bringues un soupçon hallucinogènes, nous commençons à ne pas trop mal nous démerder en frenchglish. Ce n’était pourtant pas gagné d’avance, et quand bien même nous avions tous les deux choisi l’anglais en première langue à l’école de la République. Si ce n’est qu’entre les bancs de l’école et les soirées dans le rouge niveau volume et drogues multi-cartes, il y avait un monde. Ou comment rester concentré 24h sur 24, quand tout un chacun parle super vite et dans sa barbe, pour essayer de déchiffrer ce qui se dit et ce qui se joue. Un test permanent et sur toutes les fréquences encore audibles. En apnée pour déchiffrer. En lévitation pour deviner. Quitte à se planter pitoyablement, mais le jeu en vaut définitivement la chandelle. Puisqu’il s’agit ni plus ni moins d’appréhender au-delà du langage, la façon de penser, puis les us et les coutumes de tout un nouveau monde.

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Comprendre, mémoriser, focaliser, intégrer, glousser, singer, s’aventurer et puis causer. Pour se faire, nous avons ainsi pris justement par mimétisme, la saine habitude de placer « Fuck » dans quasiment toutes les phrases. What the fuck was that ? En parlant d’un speed négligemment avalé au bord de la rivière en fin de soirée. Ou bien How the fuck are You ? Pour dire simplement « bonjour » chaque matin. Et c’est effectivement simple comme bonjour, accessoirement lorsque l’on vous demande l’heure : It’s five fucking thirty. Quelques loustics du cru sont même allé jusqu’à théoriser la chose en fondant The Legendary Fuckin’ University où il est désormais envisageable d’apprendre sur le tas toutes les variations possibles du terme, le plus « coloré » selon eux, dans le langage anglais contemporain. Amen.

 

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Amen et aujourd’hui Shalom mes frères, tant on a le sentiment que le premier mec qui a du débarquer à New Orleans par cette Highway n° 10 qui fend littéralement les eaux devant nos yeux ébahis, avait là l’opportunité de se rêver en Moïse. Et il y a de quoi. Comment une route peut-elle effectivement couper les flots en deux sans une intervention divine ? Vous savez ce que ça me rappelle mon lieutenant ? Non rien. Mais conduire sur cette autoroute surélevée durant 24 miles, vous confère sans nul doute une impression Alexandrienne de prédominance voire d’invincibilité. Poussez-vous j’arrive. Génie civil et guerre à outrance contre les éléments. Mais à trop vouloir planer proche du soleil en marchant sur l’eau, on finit par se cramer les ailes, le cerveau et le reste. Et l’on sait malheureusement qu’un beau jour à la Nouvelle Orléans, les eaux finiront par se venger de tant d’audace humanoïde. Jusqu’à faire déborder dans le même temps les lacs Borgne et Pontchartrain. Et jusqu’à noyer deux mille personnes en inondant 80 % de la ville au passage. La plus grande cicatrice de son histoire, encore largement ouverte aujourd’hui. C’est arrivé en 2005, sans qu’un prophète ait eu son mot à dire. Suite à la déferlante d’un ouragan bizarrement baptisé Katrina ; un prénom m’évoquant plutôt la grâce et l’harmonie. Sauf à faire une référence rock’n’rollesque tant corrosive que subtile au groupe Katrina & the Waves, je n’en ai jamais saisi la logique. Walking on Sunshine était leur tube à l’époque. Mais depuis, il est devenu évident que la Nouvelle Orléans marche à l’ombre.

Kanardo, lui, n’a jamais eu l’âme d’un prophète mais il a néanmoins décidé de se laisser pousser les cheveux avant d’aller triper aux Amériques. Et de ne plus les laver depuis son séjour prolongé sous les eaux floridiennes, en mode apprentissage du surf au long cours. L’objectif avoué étant que son cuir chevelu finisse par accoucher de Dreadlocks. À partir du moment où il ne décide pas de parachever le tableau via un achat compulsif de Djembe, je ne ferais aucun commentaire.

 

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Nous avons finalement atterri Downtown, sur une terrasse au bord du Mississippi. À siroter une pinte, l’air de rien, mais l’envie de tout. Sur le fleuve face à nous, un authentique bateau à roues, me replonge gentiment les méninges dans une vieille bande dessinée de Lucky Luke, que mon père avait du « gagner » à l’époque dans une station service, en échange d’un plein d’essence. La « Delta Queen » assure manifestement encore aujourd’hui certaines liaisons fluviales entre différentes parties de la ville. « Elle » semble surtout exhiber pour les touristes le clinquant d’un temps révolu. Avec ou sans ouragan, ce n’est pas carnaval tous les jours à La Nouvelle Orléans. Où il nous faudra assurément bientôt, chercher à regarder derrière les façades victoriennes.

À suivre…

Laurent Zine

 

 

Carnet de routes qui ne mènent nulle part # 4