Carbone : le matériau est commun au papier et au numérique et, non content de faire date, donne du diamant lorsqu’il est soumis à haute pression. C’est à cet objectif de joaillier du papier connecté que s’attellent les alchimistes de la pop culture formant l’équipe de Carbone, revue lyonnaise dense et généreuse, au carrefour des genres et des supports. Prolongeant le site Carbone.ink et appelée à devenir trimestrielle, la revue propose une expérience de lecture augmentée, un objet à manipuler en tous sens afin de créer des passerelles entre Histoire et histoires originales, comics et littérature de SF, jeux vidéo et cinéma… Histoire de trouver, à l’instar de Colomb (Christophe) autre chose que ce que l’on cherchait. En attendant les maisons hantées et les amazones, le premier numéro est consacré aux chasses au trésor. Explorateurs et esprits curieux, à vos cartes…

580 grammes et 272 pages dont certaines à scanner : le bébé de papier se porte beau et, si l’on suit le cordon ombilical, révèle bien des surprises. Avec des fictions interactives cachées, des histoires déclinées sur différents supports, des jeux mobiles, la revue se dépl(o)ie comme une carte ouvrant sur une nouvelle géographie bouturant imaginaire et réel, un objet de navigation multimodal qui permet de rayonner d’un genre à l’autre, d’un support à l’autre et de nourrir les articles dans le temps… Plus qu’un mook (ces publications périodiques de forme hybride, entre magazine, revue et livre), Carbone se veut anthologie, recueil composite décliné de la revue papier aux outils numériques, bâti à chaque numéro autour d’un thème qu’il s’agit de dessiner, décrypter, explorer.

Sérendipité, beau souci des défricheurs d’espaces-temps

Conformément à cette envie d’inventer une approche créative et transversale de la pop culture, de créer de nouvelles connexions dans nos esprits en mal de réenchantement et de faire vibrer les rapports du réel à la fiction, la revue se préoccupe moins de l’actualité que d’explorer le monde et ses réalités pas si parallèles. Convaincue que la (pop) culture est par essence hybride, impure, mutante, savante et ludique, elle mélange allègrement les expressions littéraires et visuelles contemporaines. Pour info, l’équipe rédactionnelle de Carbone provient en partie de Chronic’art, des éditions La Volte (Damasio, Calvo & co) ou du Diable Vauvert, d’anciennes boîtes lyonnaises de jeux vidéo… où lecteurs, cinéphiles et gamers font bon ménage.

Thème idéal pour lancer la revue : la carte au trésor et la cohorte de fantasmes qui l’entoure. De Copernic à la conquête spatiale en passant par Starwars, Metropolis et les goonies, de Philip K. Dick à Murakami en passant par Stevenson, Clark Ashton Smith et les fictions originales de Calvo et Warren Ellis, des comics (Jack Kirby, Grant Morrison et Frank Quitely) aux mangas (Cobra, Tezuka) en passant par Legend of Zelda et West World, sans oublier le mode d’emploi pour faire faire l’amour avec un smartphone, l’édito ouvre grand la porte à nos imaginaires et créer des courants d’air là où trash stories et fake news du quotidien nous mettent souvent la tête dans le seau du réel.

Étendre le monde en le rebranchant sur le merveilleux

Lire Carbone, c’est un peu comme entrer sur une rotonde ferroviaire de triage (on peut en voir une très belle à Chambéry) où sur la plateforme de lancement de Goldorak : il y a plusieurs rampes selon d’où l’on vient et vers où l’on veut sortir. Alors, suivez ou non le chemin de fer de la revue, choisissez au hasard votre voie de départ, suivez ou non le long des remparts, passez Bab-el-Space et en avant vers l’inconnu ! Libertalia scintille au loin…  dans votre bonne librairie préférée !