[Bring The NoiZe : une rubrique discophile récurrente mais à périodicité totalement aléatoire ; on y parle de disques plus ou moins obscurs (mais pas toujours) et publiés pour la plupart par des micro labels tenus par des passionnés enthousiastes et dévoués (mais pas seulement) ; alors autant dire que la seule règle de conduite suivie ici est celle de la subjectivité voire de la mauvaise foi… ce qui signifie également que la meilleure façon de découvrir des musiques, des groupes et leurs disques, c’est d’aller les écouter et de se faire une opinion par soi-même]

Allez, ne perdons pas la main… deuxième Bring The NoiZe en moins d’un mois et pourtant il n’y a pas eu de neige à noël. Xnoybis est un groupe étonnant. Tout d’abord trio à l’époque (2007) d’un premier album très lourd et très métallique voire monolithique, Xnoybis est devenu duo (le guitariste étant parti, c’est le bassiste Benoit Courribet qui s’est collé à ce difficile double poste grâce à un octaver), a publié en 2010 Meanwhile, un bon album enregistré cependant avec les deux line-up – c’est-à-dire pour partie avec l’ancien guitariste et pour partie sans – puis a pris son temps avant d’accoucher de ce Trust Fall, un troisième disque pas loin d’être remarquable. Pas étonnant que ce soit le label Hell Comes Home, basé en Irlande mais monté par un suisse expatrié (et pour la petite histoire ancien Get A Life! records et ancien guitariste d’Iscariote) qui se soit décidé à publier ce disque. Si Solace était placé sous la forte influence de Godflesh – il n’aura échappé à personne que « Xnoybis » est en fait une célèbre composition du duo anglais –, Meanwhile lorgnait plutôt vers les Dazzling Killmen et toute la clique US de hardcore noise 90’s.

Tout en poursuivant dans la voie empruntée par son deuxième album, Xnoybis a toutefois orienté différemment ses parti-pris musicaux en allongeant toujours plus les compositions de Trust Fall et en choisissant d’assouplir sa puissance de feu vers quelque chose de plus aéré et donc de forcément plus inquiétant : le colosse est désormais un monstre de sables mouvants et d’anxiété toujours plus étouffante. Ne vous fiez donc pas forcément au début de Fail With Succes, à You Had It Coming ou au virulent Another Compromising Scheme, Xnoybis n’est pas (plus) un énième rejeton copie-carboné du genre et j’en veux pour preuve le titre instrumental à Reculons, dans lequel on retrouve quelques accents d’un One Lick Less, autre groupe dans lequel joue également le batteur Basile Ferriot. Quant à des titres tels que Aleph et A Weakness In The Ankle, Xnoybis y jette tout son dévolu et toute sa passion pour les labyrinthes obscurs et les angles en trompe-l’œil. Trust Fall est donc pas loin du panthéon, cela valait bien la peine de nous faire attendre pendant cinq années.

Dans un registre beaucoup plus classique, il ne faudrait pas passer non plus à côté de Adult, le deuxième album des anglais de Blacklisters. Publié en France et comme le premier LP par le label A Tant Rêver Du Roi, Adult représente le côté traditionaliste du noise-rock sauce américaine – pensez Jesus Lizard et tous ces vieux machins là. Quel intérêt me demanderez-vous ? Et bien absolument aucun si on n’aime pas ce genre de musique et si on considère au contraire que les merdouilles garage et autres one-man-bands lo-fi synthétiques de mes deux sont le summum de la créativité. Mais lâchez-moi un peu la grappe avec cette putain de « créativité » et retournez vous caresser voluptueusement la rondelle sur des musiques qui sont au moins aussi datées et connotées que celle de Blacklisters. Je vous déteste.

Pour en revenir à Adult, on sait dès les premières mesures de Shirts que ce disque va être grand. Le son est colossal mais pas sur-gonflé, les compositions sont reptiliennes et vicieuses, les rythmiques incitent instantanément au headbanging, la guitare donne positivement envie de vomir et ça tombe bien, le chanteur a la gueule grande ouverte. Les titres s’enchaînent comme autant de brûlots, oui c’est la fête du slip et si l’originalité n’est donc toujours pas de mise, on peut affirmer que Blacklisters est bien mieux qu’un consciencieux modèle du genre, c’est un groupe qui ravive et entretient la flamme d’une musique en forme de grand FUCK OFF, le tout avec un appétit jamais démenti. Restez jeunes, vivez dans le passé.

Continuons dans la finesse et la douceur éternelle avec le nouveau mini album des finlandais de Throat. Six titres seulement mais quels titres ! Manhole, le prédécesseur direct de Short Circuit avait déjà fait son effet mais ce nouveau disque est presque encore meilleur. Publié en Europe par Kaos Kontrol (le label du guitariste/chanteur de Throat) et en Amérique du nord par l’indispensable Reptilian records, Short Circuit est lui aussi un concentré de noise-rock sale et presque gluant mais également bien tordu – avec en prime quelques solos débiles de guitare posés ça et là sur à peu près un titre sur deux. Et le tout est d’une lourdeur toute pachydermique. Throat en profite même pour alambiquer un peu son bordel sans pour autant se perdre trop en convulsion melvinsiennes le temps d’un Roast aux relents vaguement métalliques pas dégueux du tout. De son côté Dog Wrestle Dog est un incontournable du disque avec son côté menaçant et malfaisant. Mais là où Throat impressionne surtout, c’est avec des titres comme Polio Stance, Houston Soup et son petit côté rock’n’roll tordu ou avec le très convaincant et direct mais insidieux Roman Inn sur lesquels les quatre finlandais accélèrent parfois le rythme sans pour autant perdre de leur puissance ni de leur mordant sanguinaire. Et puis… en ce qui concerne Unjoy, il semblerait bien qu’il s’agisse là d’une reprise de Björk (!) et le moins que l’on puisse dire c’est que l’on y voit que du feu (d’ailleurs la pochette mentionne « all songs by Throat except the one that is not »). Alors, pour la peine : DOUBLE FUCK OFF.

 

Hazam.