[Bring The NoiZe : une rubrique discophile récurrente mais à périodicité totalement aléatoire ; on y parle de disques plus ou moins obscurs (mais pas toujours) et publiés pour la plupart par des micro labels tenus par des passionnés enthousiastes et dévoués (mais pas seulement) ; alors autant dire que la seule règle de conduite suivie ici est celle de la subjectivité voire de la mauvaise foi… ce qui signifie également que la meilleure façon de découvrir des musiques, des groupes et leurs disques, c’est d’aller les écouter et de se faire une opinion par soi-même]

 

Coubiac_Lunch_10'Amatrices et amateurs de trucs débiles et saignants, jetez donc une oreille sur le premier enregistrement officiel (bandcamp en propose deux autres mais je n’arrive pas à savoir s’ils ont un jour bénéficié d’une publication en dur) de Coubiac, une bande de jeunes originaires de Bruxelles. Un groupe semble t-il actif depuis 2010 et qui va sûrement faire parler un peu plus de lui. Lunch est un disque vraiment très court – à peine le temps de faire la vaisselle, de se taper une bonne branlette ou de descendre en flèche une demi-bouteille de vodka – mais bien foutraque, desséché jusqu’à l’os, érectile jusqu’à l’hystérie et limite désobligeant. Il est évident que depuis ses précédents essais Coubiac est passé à la vitesse supérieure en virant toute la graisse superflue, en accélérant sa vitesse de croisière, en tentant de débroussailler son propos sans jamais perdre de vue sa cible et en ajoutant une bonne dose de guitares dissonantes à sa musique située entre punk dégueu et noise salace. Inutile de dire que j’adore particulièrement ce disque qui m’est un peu tombé dessus par hasard mais que je trouve le moyen d’écouter en toute occasion c’est-à-dire à peu près n’importe quand. Son seul problème serait peut-être de me donner envie de faire n’importe quoi dès que je l’écoute, justement.

Lunch est disponible auprès de quatre labels de bon goût : A Tant Rêver Du Roi, Boom Boom Rikorz, Gabu Asso et Whosbrain records.

 

La Pince_Mais Sec_LPLes musiciens de La Pince habitent également à Bruxelles – sauf qu’eux ne sont que des immigrés consanguins ayant fui leurs Vosges natales – et du coup je me demande s’ils se connaissent entre eux avec les Coubiac… Aucun intérêt vous me direz mais il n’empêche qu’il y a quelques petites similitudes entre les deux groupes. Mais attention : j’ai seulement dit « quelques » et « petites ». Et c’est tout. Si les premiers privilégient l’aspect punk de la chose, du côté de La Pince on accentue volontiers le versant cradingue et pervers, particulièrement réussi sur Mais Sec qui est le deuxième album du groupe. Sur fond de rythmiques tendues (et notamment une basse lorgnant vers Jesus Lizard) mais sans forcément foncer dans le tas pied au plancher, La Pince n’a pas son pareil pour faire monter vicieusement la pression et déclencher de purs moments de déraison, derrière l’aspect assez chaloupé mais sec d’un noise-rock lui aussi gavé de dissonances abrasives. Il y a un vrai travail sur les compositions – les riffs tournent en boucle de manière obsessionnelle – et, malgré une certaine concision, il y a toujours quelque chose, des breaks, des déviations, qui me font dire que La Pince possède quelque chose de plus, quelque chose que beaucoup de groupe prétendument barrés n’auront jamais. Il ne suffit pas de faire du gros son voire du gras qui grésille – ce qui n’est définitivement pas le cas ici – pour avoir l’air génialement foutraque. La seule vérité c’est que La Pince peut être un groupe déchainé mais qu’il s’agit surtout d’un groupe d’esthètes question perversité et déviances musicales. C’est bien simple : lorsque je n’écoute pas le disque de Coubiac dont j’ai parlé juste au dessus, j’écoute celui de La Pince et je crois bien que je l’écoute encore plus souvent.

Mais Sec a été publié par les inestimables Boom Boom Rikorz (oui, encore eux), Katatak et Rejuvenation records.

 

Brame_Basse Terres_CDPas de labels pour Brame (de Toulouse) qui a publié son troisième album Basses Terres en totale autoproduction, tout comme ces deux prédécesseurs, Tenaille en 2009 et La Nuit, Les Charrues en 2013. Et au passage l’objet (un CD) est vraiment très beau avec sa pochette sérigraphiée en carton et son insert soigné. Brame est un groupe qui possède sa propre esthétique. Ils ne sont que deux : l’un joue principalement de la guitare baryton et l’autre chante (beugle), joue de l’harmonica et de quelques rares percussions. Et c’est sublime : Basses Terres  est envahi par un brouillard tellement étrange et qui semble parfaitement coller au blues des origines, pour une musique dépouillée, moite, lentement fulgurante mais aussi minimale et, finalement, d’une obscurité aveuglante… la beauté incandescente de ce disque dégage un tel parfum de liberté, la liberté dans l’hébétude et l’abandon. Sauf que cette liberté saigne et qu’elle peut faire mal… Basses Terres ressemble étrangement à un exorcisme. Mais un exorcisme incomplet, comme si le mal et son remède avait une seule et unique source, comme s’il était impossible de choisir entre les deux options, comme si pour guérir de son mal il fallait à nouveau choisir de se frotter à lui, sans fin. Basses Terres est à la fois le disque que j’écoute le soir en m’endormant et le disque que j’écoute la nuit lorsque je n’arrive pas à dormir.

Pour se procurer Basses Terres il n’y a que trois solutions : croiser Brame en concert (mais tu peux toujours rêver…), visiter la page bandcamp du groupe ou écrire directement à Maurice à l’adresse maurice[point]brame[arobase]gmail[point]com.

Hazam.