Bring the noizeBring the noizeBring The NoiZe
Une rubrique discophile récurrente mais à périodicité totalement aléatoire ; on y parle de disques plus ou moins obscurs et publiés pour la plupart par des micro labels tenus par des passionnés enthousiastes et dévoués ; alors autant dire que seule la règle de conduite suivie par le chroniqueur est celle de la subjectivité voire de la mauvaise foi
Ce qui signifie également que la meilleure façon de découvrir des groupes et musiciens c’est d’aller les écouter et de se faire une opinion par soi-même.

 

a2527878442_2Cette toute première de Bring The NoiZe est presque totalement consacrée à Katatak, un label basé à Marseille qui publie régulièrement – seul ou en coproduction – des disques parfois retors et plutôt du genre bruyant. Commençons ce petit inventaire de quelques-unes des dernières parutions de Katatak avec un 12’ split regroupant Petula Clarck et x25x. Petula Clarck est un duo de Mions (Belgique) qui, pour être honnête, ne m’avait guère impressionné avec son précédent disque (un autre split, cette fois-ci avec La Pince). Ici c’est une toute autre affaire : sans changer pour autant leur fusil d’épaule, les deux Petula Clarck (guitare/batterie + voix) transforment l’essai d’un post punk basique et à vocation plutôt fun. Yago Wago est même un gros méchant tube, presque dansant et psychotique, une bonne déviation funky. Du gros tube, c’est exactement ce que nous propose sur l’autre face les vétérans de x25x, des punks marseillais que je croyais en hibernation prolongée et qui avec Saturate défoncent les crânes à l’aide d’une ligne de basse hyper répétitive et d’une guitare-cisaille. Un titre réellement méchant mais addictif.

a0066688632_2Autre split avec un 10’ réunissant lui Ntwin et Econo. C’est bien simple : Ntwin est l’ancien groupe des gens de Katatak mais, malheureusement, les deux titres proposés sur ce disque sont posthumes et me donnent irrémédiablement envie de chialer de dépit. Ntwin a certainement livré ses deux meilleurs enregistrements, deux compositions sèches, tendus et aiguisés, à la gloire du noise-rock tendance aluminium et rage dehors. L’autre face du disque réserve une surprise de taille. Econo est un groupe anglais jusqu’ici complètement inconnu mais qui devrait rapidement arriver à se faire un nom chez les amateurs de noise-rock, cette fois-ci à tendance hardcore en bandoulière (et si tu penses à leurs compatriotes de Silent Front, je ne vais pas te donner tort). Plus en détails, Close Conformity est du genre brûlot tandis que Permanent Error est plus vicieux, donc forcément encore meilleur.

a2579898102_2Totalement différent des groupes évoqués ci-dessus, voici Caraques. Pharmacie De Garde, précédemment publié en cassette uniquement, est le premier album de ce collectif à géométrie plus ou moins variable et dans lequel on retrouve les musiciens de Ntwin, de JUBILé (excellent duo stéphanois) et de Volx (un autre duo, mais cette fois-ci du côté de Marseille, bien qu’ayant émigré à Bruxelles depuis quelques temps). Apparemment quelque peu improvisée, en tous les cas extrêmement spontanée et toujours directe, la musique de Caraques donne à entendre un bordel faussement laxiste entre noise new-yorkaise, kraut rock dépressif et expérimentations dégénérées. On pense à plein de choses en même temps mais à rien en particulier non plus, ce qui est la force principal d’un groupe qui a beaucoup de bonnes idées et arrive à les partager – il faut juste ne pas avoir peur : l’enregistrement de Pharmacie De Garde est vraiment rudimentaire mais cela fait partie intégrante du charme mystérieux d’un disque plein de promesses pour la suite – mais y aura t-il une ?

a2126958397_2Publié en 2013, Zaad de Conger ! Conger ! mérite largement que l’on revienne dessus. Avec ses titres de chansons déclinés de façon que ce qu’ils perdent un mot à chaque fois et ses paroles lapidaires racontant des faits divers impliquant des morts violentes de jeunes enfants (At The Corner Of The World, le précédent disque de Conger ! Conger ! évoquait lui brillamment le génocide au Rwanda), Zaad est un enregistrement très bref et presque sévère tout en restant d’une générosité fantastique. Comme d’habitude avec le trio marseillais, on sera bien en mal de le ranger dans une petite case musicale – de toutes façons les musical box c’est bon que pour les groupes de rock progressif – et je pense que la seule chose que pourraient revendiquer ces musiciens expérimentés et très ouverts d’esprit est le caractère aussi bien rock que versatile de leur musique. Biberonnés au punk, au post punk, à la new-wave, à la pop, les trois Conger ! Conger ! sont tout cela à la fois, avec une cohérence majestueuse, tout simplement parce qu’ici tout va à l’essentiel. Un groupe à découvrir d’urgence, si ce n’est déjà fait.

a0035701575_2Terminons en toute beauté avec les anglais de Total Victory. Ce groupe de la banlieue de Manchester met littéralement le feu partout où il joue en concert et on comprend très bien pourquoi à l’écoute de National Service, deuxième album enregistré en 2012 mais publié seulement cette année grâce aux efforts conjoints d’une tripoté de labels, principalement français (!). Là aussi on pourra parler de classe mais celle dont fait preuve Total Victory est typiquement anglaise et – allez, j’ose – prolétaire. Ces cinq musiciens sont des types ordinaires, des lads qui, tous ensemble et mus par une passion collective incroyable, composent et donnent vie à des hymnes post punk et noisy fédérateurs. En cherchant bien, on pourra même trouver ça et là quelques relents de chœurs de hooligans mais la forte puissance émotionnelle de National Service est ailleurs, dans une dynamique incomparable et un songwriting impérial. Les lignes de basse sont fluides et élégantes, les guitares tour à tour tranchantes et aériennes et quant au chant, il a ce don de nous raconter des histoires. Et dire que ce disque a failli ne jamais voir le jour…

 

Hazam.