Barbes CaféLucette patronne de ce bistrot raconte son histoire d’amour avec Mouloud. Cet émigré kabyle venu travailler à Paris dans les années 40.  » ….. »Je l’avait rencontré au bal de château rouge, il était ouvrier la semaine et roi des guinguettes le samedi soir ! Et c’est ensemble qu’on a ouvert le café barbes …« A travers lui elle raconte aussi l’histoire de ces hommes venus reconstruire la France ravagée ! Le kahwa (le café) était leur centre social ! Et Lucette leur confidente. Mais c’est aussi le lieu de leurs loisirs, jouer au cartes, aux dominos … Les week-ends le café se transformait en salle de concert !! Les plus grands de la musique algérienne de l’exil se produisaient chez Lucette et Mouloud ! El Harrachi, Slimane Azem, El Hasnaoui , Akli Yahyatenne, Hanifa…. » nous raconte Salah Gaoua acteur du spectacle.

Entre 1940 et 1980, la France comptait 8.000 cafés chantants animés par des Algériens. Comme le dit si bien Kamel Hamadi, l’auteur de plus de 2.000 compositions musicales, « les Algériens recouraient aux cafés concerts car ils n’avaient pas le droit d’occuper les autres salles de spectacle interdites aux « indigènes » « 
Beaucoup de chanteurs étaient même patrons de café : Dahmane el-Harrichi, auteur de l’immortel Ya Rayah, avait le sien, comme Salah Sadaoui ou Akli Yahiatene.

Dans les quartiers de Barbès, ou de Belleville, de la place du Pont ou des pentes de la Croix Rousse, la musique circulait grâce aux 45 tours et aux scopitones, « le you tube » de l’époque. C’est dans un de ces lieux, rue des Tables Claudiennes, à deux pas de l’ancien local de Carte de séjour, que j’ai pu pour la première fois, écouter Cheika Rimitti, devenue plus tard la star de la world trans..

barbes-cafe 2

Entre chaque narration de Lucette qui suit son fil historique, des images INA sont diffusées sur deux grands écrans. Images en noir et blanc, sépias, scopitones. Hommes débarquant la valise à la main, Nanterre et sa lèpre de bidonvilles, manifestations du 17 octobre 1961, la Seine rougie, l’indépendance, 70 / 80 le regroupement familiale , l’espoir Mitterrand, le racisme , la marche des beurs, les années karcher ..
Et puis, il y a les chansons, celles des algériens, qu’ils soient arabes, berbères ou juifs, Slimane Azem, Dahmane El Harrachi, Lili Bonniche, Salim Hallali, El Anka. Chaâbi, chants kabyles, répertoire arabo-andalou, patrimoine sépharade, et plus tard le Raï …

Tout à coup surgit des you-yous, les spectateurs, d’abord timidement, investissent la piste de danse, la soirée peut commencer.

Créé en 2011 au Cabaret Sauvage, Barbès Café entame sa troisième saison. En novembre, le spectacle a pour la première fois traversé la Méditerranée pour quatre représentations à Alger, Tizi Ouzou et Oran.
Meziane Azaïche (directeur du Cabaret sauvage) en a un souvenir ému : « Je redoutais que le public ne fasse la fête dès le début et ne soit pas attentif au message ; c’est tout le contraire qui c’est passé. L’hommage que nous rendons aux musiciens juifs a été très bien perçu, et Alger Alger, de Lili Boniche, a été la chanson la plus applaudie.« 
le spectacle arrive enfin à Lyon pour une représentation unique en attendant Marseille pour une série de 8 représentations au théâtre du gymnase.

Barbes CaféComment comprendre l’attitude des programmateurs Lyonnais(hormis le 6 ème Continent qui les a programmé ce samedi 13 octobre au Centre Culturel Et De La Vie Associative à Villeurbanne). Quelle frilosité envers un spectacle qui parle de notre histoire, et je dis bien notre histoire , moi le catalan apatride. Carte de Séjour et Rachid Taha ne serait rien sans ces chibanis, chanteurs maghrébins amateurs travaillant le jour, dans des conditions souvent pénibles, et jouant le soir dans des cafés. Ils ont dessiné les premiers contours de la chanson maghrébine. Un artiste lyonnais et pas des moindres, Salah Gaoua est présent sur scène. Le Cabaret sauvage a été complet pendant plus d’un mois. Bien sur le spectacle n’est pas parfait comme bien souvent beaucoup d’autres, mais la vous exagérez !

 

DJ Pompidou

BARBES CAFE le Samedi 12 Octobre 2013 à 20h00 Centre Culturel Et De La Vie Associative A Villeurbanne Tarifs 16.80 €