Bab Assalam, ça veut dire « la Porte de la Paix »

Bab Assalam

Khaled (Aljaramani) et Raphaël (Vuillard) se rencontrent dans l’une de ces maisons qui sont faites pour que les gens se croisent. Ils se parlent en anglais et sans vraiment le décider, s’installent pour jouer. Khaled est oudiste, Raphaël clarinettiste. Ils se racontent des choses indicibles, discrètes et puissantes. Ils ne s’éteindront qu’à l’aube et s’organiseront pour ne plus jamais attendre de se croiser par hasard. Et comme une évidence, le frère de Khaled, Mohanad, rejoint le duo en tant que percussionniste.  Bab Assalam est né en 2005 dans cette maison de Syrie.

Douze ans plus tard, à la terrasse d’un café de Lyon, j’ai rendez-vous avec Khaled et Raphaël. Il est tôt pour un samedi matin et le crachin qui disparaît au contact des manteaux d’hiver adoucit la raideur du béton. J’ai envie de savoir de quoi est faite leur aventure musicale entre Orient et Occident jusqu’au théâtre de la Croix-Rousse. Ils ont connu les tournées au Moyen-Orient, en Afrique et en Europe. Et puis la guerre qui a privé Khaled et Mohanad de leur pays et de tellement plus. La demande d’asile déposée en France et une année de démarches administratives au prix de petites humiliations. Ils ont connu le jour qui se lève sur l’éternelle file d’attente de la préfecture, et la pluie qui tombe sur la ville comme un couvercle qu’on ne peut pas soulever. A présent, Khaled est là debout devant moi et d’accord pour partager ce qui reste de beau. Raphaël a été de tous les soutiens, ouvrant les bras aussi grands que possible pour accueillir ses amis.

Bab Assalam

C’est Raphaël qui raconte le plus, avec un enthousiasme certain, l’engagement politique comme la moindre des choses. L’incompréhension face au monde moderne qui marque ce qui sépare les hommes et les cultures. S’il dit être fier de ses origines du terroir, il semble être né une seconde fois dans la maison de Syrie. Par souci d’élégance ou par excès de précision, Khaled ne prononce que les mots nécessaires. Mais c’est ensemble qu’ils m’expliquent le Livre de Kalîla et Dimna. Un livre mystérieux, traduit dans des dizaines de langues, qui a inspiré les plus grands écrivains, dont Jean de la Fontaine. Encore aujourd’hui, des chercheurs enquêtent à son sujet, et Bab Assalam en fait un spectacle comme un voyage dans le temps et dans l’espace. Partout les enfants sont les mêmes, je vois bien à l’école, ma fille et ses copines tout droit débarquées du bout du monde. Et quand Khaled, Mohanad et Raphaël se racontent leur grand-mère ; la main silencieuse qui caresse les cheveux et les fables allégoriques qui coulent de leurs bouches, on flirte avec les racines communes de l’humanité. Le spectacle « On ne vole pas qu’avec des ailes » s’adresse ainsi à tous les âges de la vie. La poésie de l’Orient et de l’Occident comme une promesse d’être touché au cœur.

(c) Stéphane Trentesaux

Khaled dit que tout a existé de rencontres en rencontres et que le musicien ne peut jouer que ce que l’âme permet. Je comprends qu’il ne s’agit pas tant d’une démarche politique que d’un amour de la musique pour elle-même qui sans faire exprès s’est mise au service d’une humanité plus libre.

Dans un langage musical commun aux accents différents, les membres de Bab Assalam ont cheminé artistiquement les uns vers les autres, sans jamais renoncer à rien. Parce que l’amitié qui a précédé et suivi leur coup de foudre musical, est au cœur du projet. Et si chacun joue avec ce qu’il a de plus intime et de plus replié à l’intérieur, la connaissance de leurs blessures et leurs joies respectives les a rendu responsables les uns des autres. Je crois que tant qu’ils seront ensemble, ils seront chez eux et on a hâte d’être accueilli dans la maison de la grand-mère pour comprendre ensemble d’où on vient.

Atlantide Merlat

« On ne vole pas qu’avec des ailes »

Au Théâtre de la Croix-Rousse, du 21 au 26 novembre

croix-rousse.com