promeneur-immobile 1Accoudé au comptoir, un gars me suggère une suite à la chronique « Mon meilleur plan cul ». Je lui répond un « peut-être, je ne sais pas, pourquoi pas…  ». En bonne élève, je décide finalement de rentrer pour m’essayer à l’exercice. Une heure plus tard voici ce que je pouvais relire :

« Une après-midi de Novembre, je promène une petite fille dans les allées de la vogue. Je me laisse aller à écouter le bruit des manèges et m’aperçois que les sons se superposent les uns aux autres sans jamais s’additionner. C’est assez désagréable comme bordel sonore. D’ordinaire j’ai plutôt un penchant pour les atmosphères ordonnées, voir légèrement disciplinées, rassurantes. Pourtant, en ces terres hostiles, je suis prise du sentiment doux amère de la mélancolie. Soudain, la gamine me ramène à elle en se précipitant vers des canards « pourraves » qui tournent en rond dans un bassin douteux. Et bien d’accord…allons pêcher du rêve à quatre euros. La grosse dame qui se tient devant les jouets en plastiques fait preuve d’une grande conscience professionnelle.
Elle compte d’un œil cupide chaque canard sorti de l’eau et au moment opportun récupère le tout, signifiant qu’il ne faut pas traîner pour choisir son trophée. Nous repartons souriantes avec un téléphone rose qui a l’air de parler coréen quand on appuie sur les touches lumineuses. Enivrées par l’odeur cotonneuse de la barbe à papa, nous achetons des tas de trucs sucrés aux couleurs du folklore ambiant. Je l’avoue, c’est presque sans culpabilité que nous en jetterons la moitié. Même les chiens de clodos ne boufferaient pas ça ! De manèges clignotants, en trains fantômes, nous avançons dans l’après-midi, légèrement anesthésiées par les hurlements de joie des enfants. La lumière du soleil se dépose sur la foule quand je sens la main de la môme dans la mienne. Je suis comme arrachée à mon urgence de jouer à la maman.
La ballade devient immobile, je suis là, les pieds collés au bitume. Je voudrais pouvoir me loger dans cette petite main qui m’enveloppe toute entière, et à mille lieux de mes obligations quotidiennes, je suis emportée par un élan de vérité qui s’approche de l’essentiel. Un court instant qui me semble une éternité, je suis prise de l’impression de ne faire qu’un avec l’avant, l’après, le pendant, rien d’autre n’est vivant en dehors de ma môme qui me tient la main. Et je me répète sans cesse «  si tu me lâche, je tombe, si tu me lâche je tombe « … »

promeneur-immobile 2Après relecture je me suis trouvée super forte dans l’exercice de ne pas respecter la consigne. Mais en fait je crois que j’étais en plein dans le sujet du gars accoudé au comptoir qui à clos notre conversation en me lançant « ma fille, c’est la femme de ma vie ».

Parent dans un créneau horaire imposé c’est une drôle d’affaire. Ma gamine à deux maisons et moi je ne sais plus où j’habite. Il y a toujours une chaise vide, la mienne, la sienne, celle de l’autre et c’est comme ça qu’on met les mômes à toutes les places. Dans le peu d’espace disponible qu’il nous reste, et un peu le cul entre deux chaises, il nous reste les plans culs. Qu’ils soient pires ou meilleurs, ils nous ramènent vers la légèreté des désirs égocentriques et sans conséquences. Juste ce qu’il faut pour s’éloigner un peu de la vérité. Je me dis parfois que j’aurais pu rester scotchée au canapé à mater une série télé en m’enfilant des oursons à la guimauve. Finalement c’est presque pareil. Aller, demain j’achète une télé.

 

La minute blonde 003