KaumwaldKAUMWALD est un duo d’électroniciens aventureux et faisant le grand écart entre Lyon et Bruxelles. Deux garçons – à ma droite : Clément Vercelletto ; à ma gauche : Ernest Bergez – du genre bricoleurs et qui font partie de cette mouvance de musiciens qui pensent que la musique électronique dépend autant sinon plus du facteur humain que de la machine (et donc de leurs interrelations). Qu’il ne suffit certainement pas d’appuyer sur deux touches d’un laptop ni de se contenter de manipuler une souris pour être tiré d’affaire : l’important n’est pas de savoir gérer paresseusement des presets, des programmations robotiques ou de séquences rigides ni les mêmes logiciels que tout le monde mais de savoir inventer, bidouiller, agencer et modifier des sons, des textures, des rythmes. Conséquence directe de tout ça : l’erreur humaine comme l’accident sonore font intégralement partie du processus de création, voire même ils peuvent l’influencer durablement.

D’ailleurs les deux Kaumwald n’utilisent pas de laptop. Comme ça l’affaire est réglée. Et ces garçons n’hésitent donc pas à se servir de leurs dix doigts et de leur imagination pour faire apparaitre formes et couleurs voire pour faire jaillir quelques bourrasques inquiétantes et électriques : depuis quelques années on a déjà pu croiser Ernest dans le cadre d’autres formations plus ou moins improvisées – certains auront peut-être eu la curiosité d’aller voir et écouter Sourdure, l’un de ses projets solo, le 6 mai au Sonic dans le cadre d’un festival de musiques expérimentales organisé par le collectif Si dont il fait également partie – et voilà bien un « apprentissage » qui a laissé des traces dans la musique de Kaumwald. Ici le travail d’écriture est basé sur un travail d’exploration continue des sons donc sur la pratique « instrumentale » et les techniques de modulation, que ce soit des techniques « orthodoxes » (ahem) ou plus empiriques. Assister à un concert de Kaumwald relève donc de l’expérience pour tous : d’abord pour les deux musiciens (même s’il est évident qu’ils ont en amont élaboré structures et canevas sonores) ; ensuite pour l’auditeur qui assiste à d’incessants allers-et-retours et autres triturations de boutons, potentiomètres, câbles, générateurs de sons, etc. En matière de musiques électroniques et expérimentales, certains musiciens ont depuis longtemps cherché à désacraliser le geste, c’est-à-dire à rendre opaque toute relation entre le moindre mouvement de l’instrumentiste/machiniste et le son produit in fine or Kaumwald se propose de faire exactement l’inverse.

KaumwaldKaumwald est donc un groupe qui oscille « physiquement » en même temps que sa musique. Les deux musiciens ne se transforment pas eux-mêmes en machines alors que les sons générés évoluent. Et la musique de Kaumwald n’a rien de mécanique même si elle évoque durablement un monde froid, parfois sévère, souvent glacé, toujours oppressant. C’est en tous les cas ce que l’on ressent à l’écoute d’ Hantasive , premier mini album de Kaumwald initialement publié de manière ultra confidentielle en CDr et réédité depuis en vinyle par le label anglais Opal Tapes . Un disque qui tente de résumer les débuts du duo en proposant des enregistrements collectés entre 2012 et 2013. Un disque qui semble également puiser une partie de son inspiration du côté des musiques industrielles primitives (des vieux trucs comme Throbbing Gristle, bien sûr, mais aussi Cabaret Voltaire et pourquoi pas Esplandor Geometrico, tout ça sans le côté cheap) tout en lorgnant vers une electronica influencée par la techno minimale des années 90 (influence évidente bien que partiellement travestie sur Léthé). Une bipolarité qui à aucun moment ne permet à l’un ou l’autre élément de prendre le dessus. L’oppression musicale – dictatoriale ? – propre à l’indus cède ainsi la place à une noirceur plus diffuse tandis que l’exaltation réfrigérée est systématiquement mise à mal. À cela s’ajoute des sources sonores variées et même surprenantes tels que les rires et les grincements de violon qui parsèment Stix : sur Hantasive Kaumwald ne s’enferme jamais totalement dans un genre précis mais semble piocher avec discernement tel ou tel élément avec un souci constant de construire une musique aussi disparate que compacte et donc aussi exigeante qu’électrisante.

Les récentes prestations live du groupe ont toutefois montré une orientation toujours plus nette – et source de mouvements – vers la techno minimale typée 90’s, ce qui n’est absolument pas pour me déplaire. Les dernières instrumentations mises en place par Kaumwald s’apparentent alors à de longues autoroutes mouvantes, uniquement délimitées par un schéma rythmique quasi inamovible. Une tournure un peu plus sexy, plus spécifique et plus circonscrite qui devrait dominer sur le deuxième disque de Kaumwald, d’ores et déjà quasiment enregistré au moment où vous lirez ces lignes. En attendant Hantasive reste un témoignage passionnant. À noter que le duo sera en concert au lycée Belmont à Lyon (43 rue Pasteur, Lyon 7ème) les 29 et 30 mai, deux dates consécutives à un séjour dans la ville de Marseille où Kaumwald pausera ses valises du 17 au 24 au GRIM (en compagnie du génial Chris Watson !).

 

Hazam.