ekphron-2014_copie-099f1Bientôt près de chez vous, High Tone (Lyon) versus Redbong (Saint-Étienne) : enfin un derby digne de ce nom, avec deux formations qui cultivent le beau jeu et l’amour du risque !

Les uns sont d’infatigables dub-trotters qui sillonnent actuellement les routes, alors que leur déjà 6e album est paru au printemps. Les autres viennent d’enfanter un 4e album de tchatche râpeuse et joueront dans la foulée chez eux au Fil le samedi 7 juin. Les uns se sont fait une spécialité de marier les images et les sons en direct live jusqu’à « l’extase spatio-sensorielle » ; les autres ont pris la saine habitude de placarder des textes extralucides sur des rythmes qui vous collent définitivement à la peau.

Chacune dans son style, les deux équipes prônent ainsi un engagement non feint sur le terrain des opérations nocturnes. Sûrement parce que la meilleure défense est bien évidemment l’attaque, la surprise, le drible et le contre-pied ; ou tout simplement la liberté d’action et de parole. Quant à l’issue de ce match entre esthètes qui ne tolèrent que les reprises de volée ; pas besoin de bookmakers pour pronostiquer un 4 partout, la balle au centre. Avant d’abandonner gentiment toute référence au football total en backstage.

État des lieux et des forces en présence, en commençant par le quintet lyonnais, qui aura donc fait paraître en mars dernier un 6e album baptisé Ekphrön , chez Jarring Effects, l’Autre Distribution, CD1D. High Tone le retour, en force et en apesanteur. Pendant 42 minutes d’invitation au trip sonore et à la faille temporelle. À l’instar de ce titre en grec, qui vous invite à lâcher tranquillement la rampe et les suivre au bout de leur monde musical hybride. Entre dub transcendantal et boucles électroïdes savamment orchestrées. Il y a dans cet album un coté à la fois déroutant et enivrant, à suivre les cinq musiciens dans leur périple.

On se laisse ainsi dériver, doucement onduler au départ, imaginer des choses, avancer à l’aveugle dans la pénombre, parfois dans le dur, pour inexorablement partir en vrille à la fin. Le vagabondage est alors autant serein que surprenant. Avec mention spéciale pour ce titre n°6 (bonjour chez vous) qui puise dans de multiples galaxies soniques une vraie liberté de composition. Un album saupoudré de violoncelles, guitares, flûtes, oud, synthés, voix (etc.) et bien sûr de samples d’ici et d’ailleurs ; le tout agrémenté d’une production imparable.

Quant à l’extrait de live ci-joint en bas de page, il devrait simplement vous rappeler si besoin qu’un concert de High Tone est toujours un véritable show, dans lequel les sons et les images se culbutent admirablement. On se languit ainsi de les revoir rapidement sur une scène dans le coin, mais ce sera plutôt à la rentrée…
Entre-temps, vous pouvez toujours affréter votre navette spatiale et les rejoindre sur la route des festivals en France et en Europe. Ils étaient par exemple au Théâtre de la Mer de Sète le 23 mai dernier, et seront au festival Le Col des 1000 à Miribel le 4 juillet ou bien à Pau le 30 juillet pour le festival Emmaüs. Et ainsi de suite.

Je ne sais in fine si les High Tone brothers auront la faculté de changer le monde comme le gentil gugusse qui apparaît à la fin de leur clip ( Until the last Drop , réalisé par Nicolas Thiry & Guillaume Caron) ; ils nous donnent en revanche la possibilité de le revisiter sous toutes ses coutures auditives. The Trip is On. Carpe diem !

redbong-cdfa4Et place à Redbong, dont l’album paraîtra le 7 juin, c’est dire le jour même de leur concert au Fil , pour une release party qui s’annonce du feu de dieu. Quand bien même dieu n’a surtout rien à voir dans cette histoire.
Un opus de 11 titres, baptisé La Crise sur le Gâteau (Yves Music, Victoire de la musique en 2018 !) et tout est dit ou presque. Entre autodérision et subversion, le rap plutôt Old School de Redbong continue à décaper à des années lumière de la soupe servie tiède par exemple sur Skyrock.

« Il parait que c’est la crise, pourtant j’ai jamais vu autant de caisses flambant neuves, qui valent le prix de mon appartement ». (in Nauséabondes )
Le parler franc et direct, comme en quatre yeux sur un ring ; Redbong réussit ainsi le pari de causer sans détour de l’actualité politique, économique et sociétale… Et nombreux sont ceux qui en prennent pour leur grade. À commencer par les évadés fiscaux ou les relous qui ne respectent pas la gent féminine.

Efficaces le sont aussi les beats et « l’orchestration », qui tout en permettant aux MC (Masters of Ceremony) de donner leur pleine mesure, semblent nous rappeler que le Rap est également un sport de combat .
« Je ne prétends pas marquer de mon empreinte l’histoire de la musique, je ne suis qu’un buzz dans ton enceinte, un MC de plus parmi des millions, mais quand je prends le micro, ce n’est jamais sans ambition… » (in Fatcap )

De la prose véritable déclinée ainsi en 11 pamphlets corrosifs. Mais avant de pouvoir se partager ce gâteau explosif, n’hésitez pas à vous délecter de leur clip déjà en boucle sur la toile. Un point de vue « légèrement acerbe » sur la France des «  Sondages  » en période postélectorale… Sachant que : « Ton sondage Ipsos, tu peux te le mettre sur l’oreille, les trois quarts correspondent à des commandes d’appareils. » Et au suivant.

En guise de conclusion, j’ose espérer que dans un avenir proche, ces deux formations partageront une scène dans la région. Mais j’avoue que je veux bien me contenter d’un derby quatre partout, la balle au centre…

 

Laurent Zine