festival-des-inattendus-9 1Le festival des Inattendus nous revient pour la neuvième année. Les objectifs restent les mêmes, attirer le regard sur des films créés en-dehors des circuits commerciaux de production, de façon artisanale, et qui pour la plupart ne bénéficient pas d’une distribution classique en salle de cinéma ou à la télévision. Rien à voir avec le festival Lumière, un festival de passionnés pour passionnés. Dans une période où la visibilité de ces formes d’expression est toujours plus menacée, à Lyon comme ailleurs, ce festival reste un moment précieux.

Parallèlement à la sélection de films, les Inattendus organisent des séances spéciales autour d’un thème ou de l’œuvre d’un réalisateur. Notre œil attentif a retenu, un triple portrait de l’Allemagne. Véritable flashback sur une époque et des comportements intellectuels. Le festival présentera tout au long de la semaine, des films d’Hellmuth Costard, Bärbel Freund et Karl Heil, accompagnés de quelques-uns de leurs amis : Johannes Beringer, Ingo Kratisch, Ulrike Pfeiffer et Ute Aurand.
Une chance, la projection de deux films d’Hellmuth Costard (« Particulièrement Précieuse » et « L’oppression de la femme se reconnaît au comportement même des femmes« ) ce vendredi 31 janvier. « Besonders Wertvoll » (Particulièrement Précieuse) film des années 68 conçu comme une protestation contre la commission de censure cinématographique allemande. Au début de l’année 68, une nouvelle loi concernant les aides au cinéma est votée en Allemagne, contenant une clause contre l’atteinte aux bonnes mœurs. Costard riposte. Le synopsis reprend le discours du député CDU Hans Toussaint, à l’initiative de cette loi, mais il est tenu par un pénis parlant. La polémique qui s’engagea lors sa programmation au festival du court métrage de Oberhausen en Allemagne provoqua un scandale. (ici ). Créatif et visionnaire sans aucun doute, mais peut être trop tôt !
Dans un de ces derniers films (malheureusement non présenté au festival), « Fußball wie noch nie » sorti en 1971, le réalisateur allemand braque durant tout un match huit caméras sur un seul joueur, George Best, légende noir du football anglais. Cette méthode fut reprise quarante ans plus tard par Canal Plus dans le documentaire, « Zidane portrait du 21 ème siècle « . Moins télégénique et moins de paillette, du vrai cinéma ! Un peu comme si Andy Wahrol avait réalisé un film de karaté !
Johannes Beringer et Ingo Kratisch, quant à eux, firent partie pendant les années 60 des premiers étudiants de la DFFB. Tout comme Holger Meins*, qui quittera le cinéma pour la lutte armée, et Harun Farocki, qui s’intéressera à la lutte armée via le cinéma. Nous verrons le second film de Johannes Beringer, « Situations » (vendredi 31 à 18h), où figure Holger Meins*. Ingo Kratisch, réalisateur et principal chef-opérateur de Farocki, nous montrera, mercredi 29 janvier à 22h, pour la première fois en projection publique, RE, journal vidéo de la conversion d’un professionnel du cinéma à l’amateurisme.

festival-des-inattendus-9 2N’oublions pas « Territoires Argentiques« , cinéma documentaire et pellicules fabriquées par « des artistes-artisans (et quelque part résistants) qui portent très haut la beauté de la pellicule sans esprit nostalgique ». Ils inventent pour nous d’autres chemins comme avec « Spasmes  » film super 8 tourné à Brest et ses environs, fin 2012, développé et monté à la main. (ici) . Habituellement, on confie cette opération à un labo spécialisé, mais Colas Ricard fait son propre télécinéma « à la punk » : il projette ses rushes sur une feuille A4 qu’il filme en caméra numérique. Pourquoi ne pas directement tourner en numérique ? Il faudrait citer in extenso le texte de Ricard et Heit publié dans le catalogue, « Inventaire descriptif et inachevé du Super 8 » ou il décline toutes les bonnes raisons de tourner en celluloïd. L’amour de Ricard et Heit pour la pellicule est sans réserve ; ils vont même jusqu’à écrire : « le Super 8, c’est l’avenir« .

Autre temps fort du festival, la venue du Collectif Amber. Histoires de la vie quotidienne dans les milieux ouvriers, les films réalisés et produits par Amber portent la trace du destin noir de la région de Newcastle, une désindustrialisation violente avec la fermeture des mines. En 40 ans, et près de 50 films, une grande variété de formes, fictions, documentaires, films hybrides, créés la plupart du temps aux côtés et en collaboration étroite avec des habitants de la région. Récemment inscrit au patrimoine mémoriel mondial de l’Unesco, et devenu ressource assez unique de la mémoire et l’histoire de cultures populaires, Amber sera représenté pendant le festival par Ellin Hare et Sirkka-Liisa Konttinen. (vendredi 31 janvier de 14h-15h30 projection-rencontre avec Film Flamme Marseille)

LES INATTENDUS jusqu’au 2 février pour en savoir plus www.festival-inattendus.com

DJ Pompidou

* Holger Meins soupçonné d’avoir participé aux attentats contre des installations militaires américaines, il est arrêté le 1er juin 1972 avec Andreas Baader et Jan-Carl Raspe après un échange de tirs à Francfort-sur-le-Main. Il mène plusieurs grèves de la faim pour protester contre ses conditions d’incarcération. Il décède au 58eme jour de sa troisième grève de la faim le 9 novembre 1973, il pèse alors 39 kilos pour 1,89 mètre. Plus de 5000 personnes assistent à ses obsèques. Parmi eux, Rudi Dutschke lève le poing devant la tombe, sous les objectifs des caméras, et déclare « Holger, le combat continue ! »