Les Castagnettes de Carmen # 17

La Cenerentola de Gioachino Rossini à l’Opéra de Lyon du 15 décembre 2017 au 1er janvier 2018

 

La Cenerentola de Rossini, c’est Cendrillon, ici sans marraine, sans citrouille ni pantoufle de verre, mais avec un bel enthousiasme ô combien réjouissant. Que petits et grands se rassurent, la structure du conte est préservée, avec la pôvre Angelina — surnommée Cenerentola car assignée au nettoyage des cendres et autres déchets — ostracisée par ses deux sœurs aussi bêtes que méchantes, son père uniquement préoccupé d’argent et de boisson, le beau prince en quête de l’épouse la plus belle, etc. Sauf que le livret de Jacopo Ferretti et, surtout, la mise en scène de Stefan Herheim dynamitent ce que l’histoire pouvait receler de mièvre et de moralisateur. La pétillante Cenerentola de Michèle Losier n’a rien d’une victime effacée, subissant son sort avec résignation ; elle se montre ici moqueuse, dansante et volontaire, déterminée à pécho le pseudo laquais sous les traits duquel le prince (Cyrille Dubois) s’est d’abord présenté à elle.

Bref, pas question de lire ici une réflexion sur l’homogamie de classe (finalement contrariée puisque c’est bien le prince qui épouse la servante… jusqu’à un ultime cruel retournement, mais chut). C’est la bouffonnerie qui est au rendez-vous et tout le monde s’en donne à cœur-joie sur la scène mais aussi dans la salle, jusqu’au chef d’orchestre Stefano Montanari qui n’hésite pas à s’impliquer dans une scène de fin de cuite. Tout en restant dynamique, sa direction évite les excès auxquels pouvait inviter une partition profuse, dont tous les morceaux ne sont certes pas indispensables à l’intrigue (l’ensemble est un peu long) mais qui donnent à chaque fois matière à de beaux airs — parmi lesquels Don Magnifico (Renato Girolami) se taille la part du lion.

Le plaisir vient aussi des décors (Daniel Unger et Stefan Hersheim) et de la dramaturgie (Alexander Meier-Dörzenbach) particulièrement drôles et inventifs. Le thème de la cheminée est décliné sous différents registres, le chariot de nettoyage se transforme en carrosse, les personnages voyagent dans une nacelle céleste et le chœur des anges est gentiment grotesque. Les costumes chatoyants d’Esther Bialas éblouissent et l’usage parcimonieux de la vidéo n’est jamais redondant — dommage seulement que résistent ça et là quelques traces résiduelles de vulgarité.

La pauvre Carmen était tellement enthousiaste en sortant de l’Opéra ce soir-là qu’elle a loupé le dernier métro, changé en citrouille, et a perdu sa pantoufle de verre dans le grand escalier. Merci à celui qui l’a trouvée d’écrire au journal qui transmettra.

Carmen S.

 

© Jean-Pierre Maurin