Bring the noizeBring the noizeBring The NoiZe : Une rubrique discophile récurrente mais à périodicité totalement aléatoire ; on y parle de disques plus ou moins obscurs (mais pas toujours) et publiés pour la plupart par des micro labels tenus par des passionnés enthousiastes et dévoués (mais pas seulement) ; alors autant dire que la seule règle de conduite suivie ici est celle de la subjectivité voire de la mauvaise foi… ce qui signifie également que la meilleure façon de découvrir des musiques, des groupes et leurs disques, c’est d’aller les écouter et de se faire une opinion par soi-même.

Au risque de faire rougir les quelques personnes qui s’en occupent, A Tant Rêver Du Roi est l’un de mes labels indépendants français préférés, et ce depuis longtemps. Basé à Pau et non content de publier des disques très différents les uns des autres – comme on va le voir par la suite –, A Tant Rêver Du Roi a abrité en son sein la renaissance de Kourgane, groupe de noise-rock à la fois épique et poétique qui au cours de la deuxième partie de son existence (le groupe avait déjà publié un premier disque très différent au début des années 90) et qui, en l’espace de trois albums incandescents et farouches, a illuminé le cœur des noiseux les plus sensibles aux circonvolutions animales. Un grand groupe, malheureusement aujourd’hui définitivement séparé. Autre activité notoire d’A Tant Rêver Du Roi, l’organisation tous les ans d’un festival, sur Pau et dont le retentissement se fait de plus en plus grand. Au programme de la quatrième édition qui se tiendra du 16 au 18 avril : Ultra Panda, Laetitia Sheriff, Goodbye Diana, Get Your Gun ou Francky Goes To Pointe-à-Pitre…

a1993838551_2Francky Goes To Pointe-à-Pitre dont le premier album sans titre est justement la toute dernière sortie en date d’A Tant Rêver Du Roi. Dans ce groupe de Tours on retrouve Jay qui est également guitariste chez Pneu. Mais les deux groupes n’ont musicalement rien à voir entre eux : ce nom de Francky Goes To Pointe-à-Pitre, les chemises à fleurs portées par ces trois garçons et cette pochette exotiquement bariolée sont autant d’indices de la haute teneur en joyeuseté caribéenne de la musique du groupe. Bon… avec Francky Goes To Pointe-à-Pitre on est à l’exact opposé de la tension permanente et rageuse d’un Kourgane et malgré les mélodies qui incitent à foutre le zouk, le soleil qui brûle la peau, le vieux rhum qui réchauffe les veines, bref tout ce que je déteste de prime abord (sauf le vieux rhum bien sûr), j’ai fini par me faire avoir par toutes ces pitreries, surement parce que derrière tout le décorum tropical le trio joue au taquet, sans répit et avec une belle énergie. De là dire que je file un mauvais coton…

a1666522543_2Poursuivons avec SEC, tout jeune groupe qui a également publié son premier album, fort justement intitulé Que Tous Les Jours Soient Dimanche, chez A Tant Rêver Du Roi. Sec est en fait un duo basse / batterie expert en cavalcades (quasi) instrumentales tendance noise rock, façon vol plané au dessus des courants ascendants et avec méthode appliquée en jazz-core pour mathématiciens libidineux. Comme le nom du groupe l’indique là aussi, ça joue sec (sic), serré et en même temps c’est très frais, très drôle et non exempt d’une fantaisie communicative, avec en prime quelques passages chantés mongoloïdes. Il n’est donc pas très étonnant que sur les titres 3-3-3-4 et La Galère, le jeune éphèbe Antoine Mermet (olibrius en chef chez Chromb !) ait été invité à rajouter une couche de débilité contagieuse via notamment un solo de saxophone biniouté avec tout l’amour dont il est capable. En écoutant un tel disque on ne peut effectivement que regretter que tous les jours ne soient pas dimanche et qu’Emmanuel Macron ne soit pas technicien de surface à mi-temps et payé au Smic dans un centre commercial de banlieue au moment des fêtes de fin d’année.

a3497514699_2Parmi les groupes et musicien accueillis par A Tant Rêver Du Roi, le plus intrigant est très certainement Tom Bodlin. Anciennement chanteur dans des formations de noise-rock furibardes (Café Flesh et Trench Piss, pour ne pas les nommer), Thomas est surtout un brillant instrumentiste spécialisé dans les saxophones et les saxhorns – dans la vraie vie il est également luthier à Nantes. Sa musique, au départ à base de boucles de saxophones, de rythmiques minimalistes et de chant parfois outrageux convoque à la fois la fureur d’un Tom Waits et la poésie d’un Moondog. Comme Je Descendais Des Fleuves Impassibles est déjà son quatrième album (et le deuxième chez ATDR, en coproduction avec Kerviniou records), un album plus expérimental qui dévoile sans cesse de nouvelles surprises et surtout laisse à entendre cette magnifique chanson, tirée du Bateau Ivre d’Arthur Rimbaud et sur laquelle Tom prend sa plus belle voix pour faire preuve d’une diction très touchante et inédite chez lui. J’en chialerais presque à chaque fois.

a2875693398_2Beaucoup plus classique, Magneto n’en est pas moins un groupe digne d’intérêt et ce malgré des débuts peu convaincants, à savoir un EP du nom de Fragment publié en 2012. Depuis le trio a largement remonté la pente avec un premier véritable album (coproduit avec Bruisson, Day Off, No Glory, Permafrost et Some Produkt) intitulé Science Of Attraction. Pour ce disque, bien a pris à Magneto de partir en voyage jusqu’en Finlande pour y enregistrer en compagnie de Teemu Hietaniemi, guitariste et chanteur du groupe Fun et qui assurément s’y connait en noise-rock dégraissé jusqu’à l’os. Plutôt mid-tempo et alourdie, la musique de Magneto doit beaucoup aux 90’s et au label de Chicago Touch & Go mais vole de ses propres ailes, à une époque où, musicalement, l’essentiel a déjà été dit et où la qualité des compositions et l’énergie mise en œuvre sont devenues des facteurs prépondérants. Et cela tombe très bien puisque avec Magneto, les deux sont au rendez-vous.

 

Hazam.