» En ce moment, les avions nous survolent. Il se peut qu’ils nous bombardent… «
Il est 9h03, ce 11 septembre 1973 à Santiago du Chili. Assiégé dans son Palais présidentiel de La Moneda, Salvador Allende s’adresse ainsi à ses compatriotes sur les ondes radiophoniques, bientôt réduites au silence.
Un discours entamé une heure plus tôt et improvisé en fonction des rumeurs grandissantes de Putsch militaire, visant à renverser le président – et son gouvernement de gauche – élu démocratiquement trois ans auparavant. À 7h55 ce jour-là, il semblerait que « la marine ait isolé Valparaiso et que la ville soit occupé », mais que « tout est normal à la caserne de Santiago « . À 8h45 cependant, Allende déclare « la situation est critique. Nous faisons face à un coup d’état… Je quitterais La Moneda quand mon mandat sera terminé. Il faudra me cribler de balles pour m’empêcher de réaliser le programme du peuple… «
Et 20 minutes plus tard, « les avions nous survolent… » Mais » l’histoire ne s’arrête ni avec la répression ni avec le crime « .
Allende ne croit malheureusement pas si bien dire. L’histoire chilienne va effectivement s’arrêter 17 ans durant avec la prise du pouvoir par le général Pinochet. 17 ans de dictature avec son cortège de meurtres, de désaparécidos, de torturés et d’exilés.
Nous sommes le 11 septembre et il est désormais 9h30. Bien qu’extrêmement lucide, Allende tient néanmoins une dernière fois à communiquer sa foi en un avenir meilleur à se concitoyens : « confronté à un tournant historique, je paierai de ma vie la loyauté du peuple… Radio Magallanes sera sûrement réduite au silence, et le timbre tranquille de ma voix n’arrivera plus jusqu’à vous. Peu importe, vous continuerez à l’entendre… Je crois au Chili et à son destin. D’autres hommes sauront dépasser ce moment gris et amer… Celles-ci sont mes dernières paroles… »
Témoignage crucial et sensible d’un tournant historique tant au Chili que dans le monde entier, ce dernier discours de Salvador Allende sera lu intégralement par Sylvain Bolle-Reddat, ce mercredi 25 septembre à 18h30 au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation (CHRD). Acteur au sein du Théâtre du Grabuge, il interviendra ainsi en clôture d’une journée intitulée – Chili : histoire, mémoire et justice – à laquelle nous vous invitons ardemment à participer. Considérant ne serait-ce que la qualité des intervenants et la mise en perspective de cette Mémoire vive du Chili.
Quant à Sylvain Bolle-Reddat, voici comment il appréhendait cette lecture pas comme les autres : « je me suis imaginé un type qui part au travail et qui écoute ce discours sur son autoradio. Entendre et réentendre cette date, comme un tournant dans l’histoire de la gauche mondiale. Je suis né le 11 septembre 1973, j’ai l’âge de ce désastre. »
À bon entendeur…
Laurent Z
Chili : histoire, mémoire et justice ce mercredi 25 septembre à 18h30 au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation (CHRD)
